Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Tag - littérature américaine

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dimanche, août 22 2010

Minuit Dans Le Jardin du Bien & Du Mal - John Berendt

Midnight in the Garden of Good & Evil Traduction : Thierry Piélat

Extraits Personnages

Bien que j'aie apprécié cette oeuvre hybride, qui tient à la fois de la chronique et du roman, je m'étonne qu'elle ait pu se maintenir deux-cent-seize semaines d'affilée dans la liste des best-sellers du "New-York Times." Il est vrai que, si le Nord a vaincu le Sud, celui-ci n'en a pas fini de fasciner ses vainqueurs et ce phénomène est à mon avis pour beaucoup dans l'engouement des Américains envers ce livre.

L'auteur, un Yankee qui a vécu huit ans à Savannah, dans l'Etat de Géorgie, est littéralement tombé amoureux de cette ville qui déjà, du temps de Scarlett O'Hara, était considérée comme une ancêtre distinguée par des cités comme Atlanta. Avant tout, c'est cette caractéristique qui semble avoir fasciné John Berendt. Cela et puis la foule de personnages qu'il y a rencontrés et qui, à de très rares exceptions près, appartiennent tous au gratin social de Savannah. L'affaire du meurtre de Danny Hansford par l'antiquaire Jim Williams est noyée dans la masse - à la différence de ce qu'il se passe dans l'excellent film éponyme de Clint Eastwood.

Comme beaucoup de villes et de villages, Savannah prit vie sur les berges d'un fleuve qui lui donna son nom. J'ignore à quel rythme coulent et chantonnent les eaux de la Savannah mais je le suppose, peut-être à tort, paresseux et indifférent au reste du monde. Un rythme similaire à celui de "Minuit ...", livre attachant, instructif et même passionnant pour les amateurs d'Histoire et d'anecdotes, qui a tout d'une flânerie littéraire parmi des personnages plus excentriques les uns que les autres mais aussi un livre qui laisse le lecteur sur sa faim, allez savoir pourquoi.

C'est un monde à part, avec ses codes et ses manies, que s'attache à dépeindre John Berendt. Un monde de privilégiés pour lesquels Appomatox, c'était hier, au pire avant-hier, et qui préfèrent oublier cet "incident", un peu comme les anciens émigrés français, obligés par la marche de l'Histoire, à cohabiter avec les rustres bonapartistes, avaient choisi de faire l'impasse sur la disparition de leur ancien mode de vie.

Dans la Savannah de John Berendt, on peut se demander s'il existe des quartiers pauvres et populeux. Les Noirs qu'on y aperçoit ont fait fortune et parrainent chaque année, eux aussi, un "bal des débutantes." Evidemment, Chablis la Travestie vient y mettre les pieds dans le plat lorsque l'occasion se présente mais Chablis est si originale, si excentrique, qu'elle ne saurait être représentative du lumpenprolétariat noir de Géorgie.

Le lecteur lit un peu comme dans un rêve. A certains moments, il peut même se demander ce qu'il fait là. Bien sûr, certains personnages sont vraiment drôles ou émouvants - parfois les deux. Mais le rythme est trop lent ; la première partie du livre, consacrée au portrait de la société savannahienne, est trop longue par rapport à la seconde - ce qui est un comble car c'est cette seconde partie qui comporte le plus de chapitres ; l'ambiguïté foncière de Jim Williams, si elle est montrée sous tous les angles, n'est pas analysée en suffisance ; quant à la fin, elle est trop neutre, pas assez osée, avançant d'un pas pour reculer de trois.

Bref, un livre bâti de bric et de broc, où la lenteur de la chronique fait de l'ombre à l'action romanesque - mais un livre racheté par quelques uns de ses "héros" et, en particulier, Joe Odom, lady Chablis et Minerva. A lire un jour que vous serez d'humeur paresseuse et assoiffée de ragots sur les riches (et moins riches) familles sudistes. ;o)

samedi, août 21 2010

28 Avril 1926 : Harper Lee

28 avril 1926, Monroeville - Alabama (USA) : naissance de Nelle Harper Lee, dite Harper Lee, romancière.

La petite Nelle se révèle un vrai garçon manqué. Mais c'est aussi une lectrice précoce qui a la chance de compter parmis ses camarades de classe et voisins le jeune Truman Capote, avec lequel elle se lie d'amitié.

En 1944, la Monroe County High School décerne à la jeune fille son diplôme de fin d'études. Forte de ce succès, elle s'inscrit pour un an au Hutingdon College de Montgomery avant de faire son Droit à l'Université de Montgomery. Elle écrit pour plusieurs publications estudiantines et occupe pendant un an le poste de rédactrice en chef du magazine humoristique de son campus, "Rammer Jammer."

Bien qu'elle n'aît pas obtenu sa licence, elle passe un été à Oxford, en Grande-Bretagne, puis s'installe à New-York en 1950. Elle y déniche un emploi de bureau à la Eastern Air Lines, emploi qu'elle abandonne au bout de huit ans pour se consacrer à l'écriture. Elle mène une vie très simple, voire austère, oscillant entre son petit appartement dépourvu d'eau chaude et la résidence familiale de l'Alabama où réside toujours son père.

C'est en 1959 qu'elle apporte à son agent le manuscrit qu'il lui avait demandé de retravailler, une petite nouvelle qui a désormais la taille d'un roman. Il s'agit de "To kill the mockingbird / Ne tirez pas sur l'oiseau-moqueur" qui sort l'année suivante et remporte le Prix Pulitzer.

Apparemment, beaucoup de détails de ce best-seller sont autobiographiques. Comme l'auteur, l'héroïne (surnommée Scout) est la fille de l'attorney d'une respectable petite ville de l'Alabama. Dill, l'ami de Scout, est un double de Truman Capote - et inversement, Harper Lee est le modèle d'un personnage qui apparaît dans le roman de Capote, "Other Voices, Other Rooms."

Après avoir achevé la rédaction de "Ne tirez pas ...", Lee avait accompagné Capote à Holcomb, au Kansas, pour l'aider dans ses recherches sur ce qu'il estimait à l'époque ne devoir lui fournir qu'un article consacré au massacre complètement gratuit d'une famille de fermiers par deux jeunes marginaux. Mais au final, cela donnera "In Cold Blood / De Sang Froid", le meilleur opus de son auteur - et aussi son chant du cygne.

Depuis le succès de "Ne tirez pas ...", Harper Lee n'a accordé que très, très peu d'interviews. Ses apparitions publiques ont toujours été très rares et, à l'exception de quelques essais assez courts, elle n'a plus rien publié. Elle a pourtant travaillé à un second roman, "The Long Goodbye", qu'elle a laissé inachevé. Au milieu des années quatre-vingt, elle a entamé un ouvrage sur un serial killer de l'Alabama mais, là aussi, elle a abandonné son manuscrit sans le terminer.

Désormais âgée de quatre-vingt-quatre ans, Harper Lee partage son temps entre son éternel appartement à New-York et la maison de sa soeur, en Alabama.

Son unique roman publié, qui évoque le cas d'un Noir faussement accusé du viol d'une Blanche dans le Sud des Etats-Unis, et que défend jusqu'au bout le père de l'héroïne, est couramment étudié dans les collèges et les lycées des Etats-Unis. On notera que, dans notre langue, il présente la particularité d'avoir été édité sous trois titres différents : "Quand meurt le rossignol", en 1961, "Alouette je te plumerai" en 1989 et enfin "Ne tirez pas sur l'oiseau-moqueur" en 2005.

Harper Lee sur Nota Bene. ;o)

Zombi - Joyce Carol Oates

Zombie Traduction : Claude Seban

Extraits

Personnages

Roman relativement court puisqu'il ne dépasse pas les cent-quatre-vingt-quatre pages en édition du Livre de Poche, "Zombi" possède le froid et l'impitoyable tranchant d'un couteau de boucher. Je ne dirai pas "scalpel" puisque Oates limite son intrigue au premier meurtre, demeuré impuni parce que non découvert, de son anti-héros, Q ... P ..., et que celui-ci, en dépit d'une préméditation que le lecteur découvre avec une horreur croissante, en est encore à tâtonner pas mal sur la voie du crime en série.

C'est donc un serial killer non pas néophyte mais encore en phase de "formation" que nous décrit la romancière. Les brouillards de son esprit et de son âme sont d'autant plus impénétrables que Q ... P ... est et restera notre seule "voix" de référence. Tient-il un journal ou ne s'agit-il que de ses pensées auxquelles Oates, par l'autorité de l'écrivain, nous donne accès sans autre forme de procès ? On ne le sait pas mais le résultat fascine autant qu'il angoisse.

Non sur l'instant - enfin, certainement pas pour celles et ceux qui s'intéressent au phénomène des tueurs en série et ont déjà lu des ouvrages, documentaires ou pas, sur le sujet - mais une fois le livre refermé et rangé. En effet, "Zombi" ne connaît pas l'espoir.

Q ... P ... n'est pas mauvais, au sens où l'entendent la plupart des religions et le commun des mortels, non, il est simplement fait comme ça : tel un enfant de six ans qui souhaite désespérément qu'on lui offre un jouet bien précis, notre anti-héros veut se procurer une sorte d'esclave lobotomisé qui lui obéirait sans états d'âme. Viscéralement incapable de songer à la douleur infligée par son délire aux uns et aux autres, il ne songe qu'au meilleur moyen d'obtenir ce qu'il désire. Non, répétons-le, il n'est pas mauvais : il n'a aucune notion du Bien, ni du Mal, c'est tout, et à peine celle de l'Interdit, un interdit qu'il ne comprend pas du tout et qu'il cherche simplement à contourner.

Pourtant, il est loin d'être idiot et sait très bien calculer et prévoir, mais toujours en fonction de ce que ces prévisions peuvent lui rapporter - ou lui éviter de fâcheux. Sinon, c'est le néant. Claquemuré dans un monde que les psys peinent à saisir, il avoue lui-même, avec une innocence étrange, ne pas avoir de rêves.

Sur son passé, Oates nous donne le minimum de détails : un père à la carrière de chercheur et d'universitaire exemplaire, une mère attentionnée, une soeur aînée brillante et une grand-mère aimante. "Un peu trop de femmes," entonnera certainement le choeur des psys. Sans aucun doute mais cela n'explique en rien l'abîme qui dort en Q ... P ...

Raffinement suprême, Oates pousse le sadisme envers son lecteur jusqu'à lui instiller goutte à goutte la certitude que, au-delà l'apaisement de ses désirs sexuels, Q ... P ... recherche en l'acte de tuer quelque chose qui nous dépasse tous, lui y compris, et dont il nous est impossible de nous faire une idée claire.

C'est en cela que "Zombi" est terrifiant, d'autant qu'il se termine sur la vision d'un Q ... P ... pour qui le meurtre va devenir une routine. En d'autres termes, le pire est à venir et Joyce Carol Oates vous laisse l'imaginer à loisir.

Du grand art. ;o)

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